dimanche 11 janvier 2009

Obama complètement à la messe
ETATS-UNIS / lundi 12 janvier par DOUG IRELAND
Le choix par Barack Obama d’un pasteur intégriste anti-avortement et homophobe pour dire la prière lors de son investiture du 20 janvier révulse les progressistes américains.
Depuis des semaines, une tempête médiatique souffle aux Etats-Unis et risque de ternir l’investiture de Barack Obama le 20 janvier prochain. Peu avant Noël, le président élu a annoncé qu’il avait choisi le révérend Rick Warren pour réciter la prière lors de ce moment clé de l’entrée en fonction d’un nouveau président.
Le choix de Warren pour accomplir cette tâche ô combien prestigieuse et symbolique a immédiatement déclenché de véhémentes protestations. Non seulement Warren est un prédicateur intégriste chrétien mais c’est aussi (et surtout) un bigot sectaire pour qui homosexualité rime avec pédophilie et inceste et qui compare le droit à l’avortement à l’Holocauste. Sans parler du fait que, pour lui, les Juifs seront privés de paradis !
Grand ours bedonnant à la barbichette bien taillée et amateur de chemises hawaïennes aux couleurs criardes, le révérend Warren, 54 ans au compteur, est le pasteur de la Saddleback Church. Cette vaste église — c’est la cinquième plus grande congrégation des Etats-Unis — se trouve dans le comté d’Orange, en Californie. Elle est réputée pour être le fief des conservateurs blancs et les gays n’ont pas le droit d’en devenir membres.
40 MILLIONS DE LIVRES VENDUS DANS LE MONDE
Warren est la star montante de l’intégrisme « moderne ». Ses prêches télévisés sont ultra populaires et son livre sur le développement personnel (un ouvrage qui abonde en banalités bibliques) s’est récemment vendu à plus de 40 millions d’exemplaires partout dans le monde. S’il est passé maître dans l’art du marketing style « New Evangelicals », derrière son sourire constant, Warren est un intégriste de la droite chrétienne pure et dure. Interrogé par le Wall Street Journal sur la différence entre lui et James Dobson, le principal leader de la droite évangélique, il a répondu que la seule différence était le « ton ».
En 2004, Warren a fait campagne en faveur de George W. Bush et des républicains, envoyant des centaines de milliers de courriels aux électeurs intégristes pour leur dire d’effectuer leurs choix électoraux en favorisant les candidats hostiles à l’homosexualité et à l’avortement. Selon un article d’août 2008 paru dans l’hebdomadaire Time, "The Global Ambition of Rick Warren" (l’ambition globale de Rick Warren), après la victoire de Bush, il a cherché les conseils des leaders conservateurs sur comment accroître son influence au sein du parti républicain et ambitionnait de devenir le « pasteur officiel » de ce parti conservateur. Mais avec la victoire d’Obama et des démocrates, il cherche aujourd’hui à se recentrer sur l’échiquier politique.
Son rêve est de devenir le nouveau Billy Graham, un évangéliste connu pour remplir des stades de football avec des chrétiens « born again » (nés de nouveau) et qui était le conseiller privilégié de tous les présidents américains, depuis Harry Truman en 1948. Aujourd’hui, Graham a 90 ans et souffre de la maladie de Parkinson ainsi que d’un cancer.
MILITANT ANTI-GAYS
L’année dernière, Warren a soutenu avec succès le référendum en Californie qui a aboutit à l’interdiction du mariage gay après que la Cour Suprême californienne l’ait légalisé. Il a comparé cet acte à « un mariage entre un homme et un enfant » et a menti en affirmant que donner le droit au mariage aux couples du même sexe revient à interdire la liberté de parole de l’église et à faire taire le clergé .
Le tollé soulevé par choix du révérend Warren par Obama ne se limite pas aux seules associations gays et lesbiennes. Le puissant membre du Congrès Barney Frank, président de la commission des finances de la Chambre des représentants (par qui tous les plans de sauvetage de Wall Street sont passés), qui a fait son coming-out il y a une vingtaine d’années, a déclaré qu’il trouvait le choix de Warren « insultant ». Avant d’ajouter que « la sélection d’un religieux pour remplir cette mission a toujours été considérée comme une marque de respect et d’approbation par le président qui prête serment ». Barney Frank a également déclaré que « Warren n’a pas droit à la place d’honneur lors de la cérémonie d’entrée en fonction d’un président qui a soutenu les droits civiques des lesbiennes et des gays et bénéficié de l’appui de la majorité de ceux qui soutiennent cette bonne cause ».
DES ÉDITORIALISTES SE REBIFFENT
Dans sa chronique dominicale du 28 décembre dernier dans le New York Times, Frank Rich écrivait : « quand Obama défend les paroles de Warren en les qualifiant d’exemple de « la variété de points de vue » dans « une Amérique diverse, obstinée et bruyante » c’est bien joli mais c’est faux car Obama sait très bien qu’un « point de vue » qui diffame une minorité en l’associant à un crime sexuel comme la pédophilie est inacceptable. »
Et dans le Washington Post, le chroniquer Richard Cohen écrivait quelques jours plus tôt que le choix de Warren par Obama était le symbole « d’une incapacité ou d’une réticence à être un leader moral » car il « exalte l’ignorance qui a mené et qui mènera à la discrimination et à la violence. »
Le révérend Warren n’est pas seulement l’ennemi juré des homosexuels, il est aussi un réactionnaire théologique primitif qui rejette la théorie de l’Evolution et croit que l’homme a marché sur terre avec les dinosaures. Il s’oppose également au droit à l’avortement mais aussi à la recherche médicale sur les cellules souches et prêche pour que les femmes se soumettent aux hommes, leur obéissant au doigt et à l’oeil.
OBAMA SE VOIT DÉJÀ EN 2012
Pourquoi Obama a-t-il choisi cet énergumène pour dire la prière lors de son investiture ? Ce n’est que le premier pas vers la réélection du nouveau président (en 2012) car Obama cherche à caresser dans le sens du poil les sensibilités des électeurs évangéliques qui ont massivement voté contre lui, en choisissant un de leurs préférés. Il veut ainsi aussi faire oublier ses liens avec son ancien pasteur, le controversé Révérend Jeremiah Wright, qui est tant haï par les intégristes et a failli faire dérailler la campagne électorale du président élu.
Ce n’est pas la première fois que, pour des raisons électorales, Obama jette en pâture les gays et lesbiennes. Pendant sa campagne pour la primaire — cruciale —de Caroline du Sud, le candidat a lancé une « Faith and Familiers Tour » (une tournée « foi et familles ») avec comme vedette un prédicateur noir qui est aussi un star de la musique gospel, le révérend Donnie McClurkin.
Ce dernier est un homophobe notoire qui se proclamait « en guerre » contre « la malédiction de l’homosexualité. » Le révérend McClurkin est lui-même un prétendu « ex-gay » qui prêche que « Dieu peut guérir » les croyants de l’homosexualité. Un des anciens amants de McClurkin a révélé par la suite qu’en dépit de sa « guérison » le prédicateur a continué d’avoir de relations sexuelles avec lui et avec d’autres hommes…
En dépit des protestations massives de ses supporters gay et lesbiennes, y compris la démission de Bob Farmer, un de ses principaux collecteurs de fonds et qui est homosexuel, Obama a maintenu la tournée avec ce bigot de McClurkin, espérant ainsi faire d’une pierre deux coups car, en Caroline du Sud, les électeurs noirs aussi bien que les électeurs blancs sont en grand majorité des intégristes qui vouent une haine féroce aux homosexuels. Et avec l’aide de McClurkin, Obama a gagné dans cet Etat.
VIOLATION DE LA CONSTITUTION AMÉRICAINE
Aujourd’hui, avec le choix du bigot Warren pour bénir le début de sa présidence devant les caméras de télévision lors une cérémonie qui sera regardée par un nombre record de téléspectateurs, Obama récidive avec cynisme et hypocrisie. Ecœurant mais guère surprenant.
De plus, il ne faut pas oublier que pendant sa campagne présidentielle, en 2008, Barack Obama a promis de continuer et d’élargir les « faith-based initiatives » (initiatives de la foi), le programme de subsides octroyés par le gouvernement fédéral aux églises et inventé par Karl Rove, le « cerveau » politique de Bush, pour renforcer leur soutien au parti républicain.
Obama est un ancien professeur de droit constitutionnel et doit pertinemment savoir que ce programme viole la « séparation de l’Etat et de l’église » prescrite par la Constitution américaine. Mais maintenant qu’il a choisi Rick Warren pour consacrer sa présidence, les « faith-based initiatives » d’Obama risquent de se teinter des mêmes couleurs conservatrices que celles de Bush.
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Pas de libelles par exemple
sinon je devrai les enlever