dimanche 4 janvier 2009



L'union impossible
Homophobie à l'italienne
Documentaire de Gustav Hofer et Luca Ragazzi (Italie / Allemagne - 2008)
Luca et Gustav sont deux garçons trentenaires, homos, journalistes et cinéastes. Ils vivent en couple à Rome et apprennent the hard way que leur pays, l'Italie, semble foncièrement homophobe. Caméra au poing, ils partent à la rencontre des personnalités politiques, religieuses et de « l'homme de la rue » pour essayer de comprendre les raisons du refus épidermique d'un pacte d'union civile imaginé par le gouvernement Prodi et aujourd'hui enterré. Leur documentaire est diffusé sur Arte samedi 03 janvier. Entretien avec Gustav Hofer
Tout débute en avril 2006, le gouvernement de Romano Prodi tente de proposer une loi d'union civile sans distinction de sexe, le DICO (DIritti e doveri delle persone stabilmente COnviventi - l'abréviation est identique au nom d'une chaîne de supermarché discount), un genre de PACS à la sauce napolitaine. Que n'avait-il fait là ! La droite et le Vatican hurlent à la perversion de la jeunesse et trustent les télévisions (détenues en quantité par Berlusconi) pour marteler des messages ambiguës pour ne pas dire totalement homophobes. Luca et Gustav, en couple depuis huit ans, sont atterrés de ce qu'ils entendent et de ce que répètent les gens dans la rue.
En février 2007, le sénateur Giulio Andreotti va jusqu'à faire capoter le vote de renouvellement du budget de la mission italienne en Afghanistan. Il explique ce geste par son refus de soutenir sur n'importe quel sujet que ce soit, un gouvernement qui propose une loi reconnaissant des droits aux couples gays et lesbiens. Gustav convainc alors son compagnon de quitter leur cocon pour se frotter au terrain de l'Italie homophobe du 21e siècle. Avec leur caméra et leur matériel d'enregistrement, ils se lancent dans la réalisation de ce documentaire qui mélange journal intime et interviews avec des militants catholiques, des activistes fascistes, des élus politiques ou bien encore des porte-paroles du Vatican. Tour à tour comique, tragique et ironique, le film dévoile le malaise entretenu de l'Italie traditionaliste face à l'homosexualité et la force politique - encore aujourd'hui - du Vatican.
En 2008, le film d'une heure vingt est projeté dans de nombreux festivals gays et lesbiens où il remporte plusieurs prix ainsi qu'aux Hot Docs, festival de documentaires à Toronto. Et bien qu'en octobre dernier, cinquante parlementaires de centre-droite aient voulu relancer l'idée d'un pacte d'union civile, le gouvernement n'a toujours pas l'intention de rouvrir ce dossier brûlant.
Comment a débuté l'histoire de ce documentaire ?
Il s'agissait, au départ, d'une réaction personnelle, d'affirmer notre engagement politique et notre besoin de réagir à ce qui se passait dans notre pays, l'Italie. Nous ne pouvions accepter que la proposition du "DICO", pas vraiment révolutionnaire, puisse engendrer une telle vague d'homphobie dans un pays d'Europe en 2007.
Comment avez-vous financé votre film ?
Nous avons la chance de posséder notre propre caméra HDV et un équipement correct pour le son. Faire le film n'a pas coûté beaucoup et nous n'avons même pas essayé de trouver des financements. Cela aurait pris trop de temps. Pendant le montage, alors que nous étions à court d'argent, une ami, l'actrice Jacqueline Lustig, nous a soutenus. On doit aussi beaucoup à notre monteuse, Desideria Rayner, et la monteuse son Silvia Moraes (primée pour le film Bicho de Sete Cabeças au Festival du cinéma de Recife) qui ont accepté de travailler sur le projet pour aider une cause politique.
Près de deux ans après avoir commencé à travailler sur votre documentaire, comment la situation a-t-elle évoluée ?
Disons qu'elle est passée de « mauvaise » à « pire ». La proposition de loi de Prodi a échoué, le DICO est resté lettre morte. Berlusconi est revenu au pouvoir... pour la troisième fois... Les partis qui soutenaient le projet n'ont pas obtenu les 4% de voix nécessaires pour entrer au Parlement. Mais, bizarrement, alors qu'une loi d'union civile n'est plus au programme du gouvernement, les médias italiens, l'Église et les politiciens continuent d'être obsédés par la « question gay ». Même le pape donne l'impression d'avoir plus de choses à raconter sur la sexualité et l'homosexualité que sur la spiritualité à laquelle il est pourtant censé se consacrer !
Vous avez montré le film dans de nombreux festivals et tourné dans toute l'Italie avec. Comment les spectateurs ont réagi ?
En projetant Homophobie à l'italienne et en animant des débats dans les régions les plus reculés du pays, nous avons rencontré des gens formidables. La majorité ont soutenu notre documentaire, les catholiques que nous rencontrions nous expliquaient que l'Église ne parlait pas en leur nom. Et nombreux sont ceux qui nous ont remerciés parce qu'ils comprenaient pour la première fois ce que signifiaient l'homophobie et qu'ils voyaient à quel point le Vatican intervenait dans la politique italienne. Finalement, ceux qui ont le plus mal réagi ont été les distributeurs qui ont tous refusé de permettre une vraie sortie nationale du film au cinéma en prétextant que « ce n'était pas le bon moment d'un point de vue politique ».

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Pas de libelles par exemple
sinon je devrai les enlever